L’ampleur des dons promis pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris a suscité de très nombreuses polémiques.
Mais qu’est-ce que cela nous apprend de nos ambiguïtés par rapport à l’argent ?
Premier constat : les êtres humains sont des « imbéciles » émotionnels
Nous autres, être humains, sommes définitivement des êtres émotionnels avant tout.
C’est pour cela que les images de la flèche de Notre-Dame nous ont émus… et ont déclenché cette avalanche de dons.
Parce que les images étaient spectaculaires, qu’elles nous ont pris aux tripes et ont amené une réponse immédiate de notre part : donner ; contribuer ; aider à reconstruire.
Bien sûr que ces dons pour Notre Dame sont paradoxaux !
Nous en sommes à un milliard de collecte (je suppose que vous ne savez pas plus que moi ce que un milliard représente en réalité… mais ça a l’air de faire beaucoup !)… quand 150 millions auraient suffi pour restaurer la cathédrale avant incendie.
Ce que l’église n’a pas su trouver avant incendie, une image aura suffit.
Stupide du point de vue de la stricte rationalité ; mais si caractéristique de l’être humain.
Qui agit plus facilement en fonction de ses émotions qu’en fonction d’une stratégie rationnelle et cohérente.
Deuxième constat : un événement catastrophe plutôt qu’une lente dégringolade pour obtenir des dons
C’est ce même émotionnel qui joue lorsqu’on se mobilise, collectivement et individuellement – je parlerai des grandes fortunes un peu plus loin – pour une catastrophe ponctuelle en ignorant les signes de la dégringolade ordinaire.
Celle des monuments du patrimoine français qui se dégradent un peu tous les jours sous notre regard collectivement indifférent.
Celle des sans-abris, SDF, populations qui s’appauvrissent sans que cela nous émeuve suffisamment pour passer à l’action.
Car ce qu’il y a de plus difficile, dans le don, reste bien entendu de sortir le billet de son porte-feuille, la carte bleue de sa poche ou ses codes de connexion pour un virement !
Ce n’est pas le montant du billet qui compte : c’est le fait de le sortir de son porte-feuille.
A quelle occasion ? pourquoi ? quand ? Pourquoi le faire sans circonstances particulières ?
Les catastrophes, comme celle de Notre-Dame, nous offrent l’occasion.
Troisième constat : pour vivre heureux, vivons cachés ?
A voir ce que les quelques milliardaires donateurs ont récolté de commentaires vindicatifs, on se dit qu’à leur place, on aurait oublié d’être généreux !
Si je comprends ce que l’annonce de dons pour Notre-Dame à 100 millions ou 200 millions d’euros a d’inhabituel et de surprenant, j’aurais été davantage choquée par l’absence de dons !
Sauf qu’on ne parle pas de ce qui n’existe pas ! Donc paradoxalement, en ne donnant pas, ces quelques milliardaires donateurs auraient pu dormir (tranquilles !) sur leurs millions sans que personne n’y trouve à redire.
Faut-il leur en vouloir d’être des êtres humains (comme vous et moi) ?
Faut-il leur reprocher d’être généreux ?
Et de se mobiliser, comme vous et moi, lorsque leur coeur est touché – et non leur cerveau ?
Le drame de Notre-Dame nous aura peut être permis de comprendre que les riches sont des individus comme les autres.
Emotionnels, non rationnels, généreux quand la cause (ou l’image) les touche, ambivalents aussi, donnant à la hauteur de leurs moyens.
Les bonnes causes sont nombreuses et elles ne sont pas en compétition les unes avec les autres.
Ce n’est pas par hasard que je donne aux restos du Coeur, à Mécénat Chirurgie Cardiaque, à Projets plus Actions, à la Chaîne de l’Espoir.
On donne lorsqu’une cause nous touche, parce qu’on connaît l’association à qui l’on donne, lorsqu’on a un lien avec la cause défendue.
Pour certains ce sont les chiens et les chats, d’autres les humains, d’autres la biodiversité, d’autres notre patrimoine.
Tout n’est-il pas relié ?
Quatrième constat : comprendre plutôt que juger
Donc être milliardaire et donner ? Mauvaise idée !
Cela donne à voir à chacun l’étendue de ma richesse.
Les millions d’euros de dons des très riches ne les a rendu ni plus riches, ni moins riches.
Leur richesse n’est ni plus ni moins indécente parce que leurs dons pour Notre-Dame sont de taille.
Ils ont juste permis de constater que celui qui a de l’argent a un pouvoir d’action bien supérieur à celui qui n’en a pas.
Vérité de La Palisse que certains voudraient occulter. Et qui leur est peut être revenue en pleine figure !
La meilleure raison selon moi pour vouloir de l’argent :
Qu’il s’agisse de donner, d’entreprendre, de construire, de donner de la voix… ou quoi que ce soit d’autres… avoir de l’argent permet de faire plus ! Et de donner plus.
Parce que hors les gros dons des grandes fortunes, nous n’en serions aujourd’hui qu’à 50 millions d’€uros !
Intéressant mais certainement pas suffisant !!
Oui mais… et la déduction fiscale ?
Peut-on réellement parler de générosité quand 60% de la somme fait l’objet d’une réduction d’impôt ?
Si les « riches » profitent de cette réduction d’impôt, ce ne sont pas eux qui l’ont créée.
Et si l’état l’a mise en place, on peut imaginer qu’il y trouve un intérêt
Deux minutes de réflexion au lieu de polémiquer bêtement !
- L’état pourrait-il réellement mobiliser 1 milliard d’€uros rapidement (la planche à billet est déjà en surchauffe) ?
- Qui dit 100 millions, même avec 60% de réduction d’impôt, dit quand même un don net de 40 M€. Pas vraiment ce qu’on appelle une broutille !
- Cette réduction d’impôt est plafonnée à 0,5% du CA de l’entreprise.
Ces 100 M€ pourront donc être imputés en une fois sur les impôts payés par une entreprise dans le chiffre d’affaires est de 20 000 000 000 (20 milliards d’€uros).
LVMH mise à part, la plupart des entreprises en sont loin !
Certes cette réduction d’impôt est reportable… mais peut être Notre Dame de Paris ne veut-elle pas attendre, elle, pour se refaire une beauté !
- Dernier petit détail : peut-on réellement croire que ces entreprises florissantes ont attendu Notre-Dame pour donner et profiter des 60% de réduction d’impôt sur le mécénat ?
Elles ont toutes déjà contribué – et utilisé cette possibilité d’optimisation fiscale.
Pourraient-elle donner sans bénéficier de la réduction d’impôt ? Sûrement.
Mais les riches ne sont pas plus vous ou moi des candidats à la béatitude et il est extrêmement difficile de renoncer à un avantage offert.
Petite question en passant : qui parmi vous ont renoncé à la prise en charge de leurs soins par la Sécurité Sociale – alors qu’ils auraient les moyens de les financer sur leurs propres revenus ? C’est exactement la même chose !
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